lundi 24 avril 2017

Mon frère d'Eurasia

Ce poème, je l’ai composé pour toi, mon frère,
Toi qui vis dans un âge différent du mien
Un âge si distant, si improbable !
Peut-être dans une ville aquatique bâtie 
Au fond des mers
Ou bien dans un village aérien, 
Plus près des étoiles.

Cinq cents siècles nous séparent,
C’est un bond étourdissant au-dessus du néant
Qui bientôt m’engloutira,
Un bond qui donne le vertige 
à l’imagination.......................
................................................................................................
Je te l’envoie par le messager du futur,
                       
                            KÉO

Qui s’envolera en 2001 pour un voyage
Que nul ne sait où il aboutira
Si jamais il aboutit
Mais sa mission est la plus émouvante
Qu’on n’ait jamais conçu : il s’agit de parler
A des hommes au-delà des temps,
Pourvu que la terre vive assez longtemps.

Pendant des milliers de générations
Il tournera, tournera, le mythique oiseau,
Et un jour (que tu marqueras en chiffres d’or
Sur ton calendrier ?) il viendra se poser
Près de toi dans un nuage pourpre,
Plus beau qu’un dieu aux pieds ailés,
Plein de nouvelles d’un monde perdu, le mien.
Alors, mon poème aura à tes yeux 
Le charme désuet que je trouve 
Dans le parchemin qui chante
La beauté de Cléopâtre 
Et des jardins de Babylone.

Je ne suis rien, mon frère, rien qu’un amas
De molécules animé d’une étrange lumière !
Toutes les places étaient prises quand
Je suis arrivé dans le théâtre de la vie.
Je suis resté près de la sortie,
Nez à nez avec mon destin de marginal,
Délaissé comme une chaise bancale
Qu’on repousse d’un coup de pied.

Partout où je passe je ne suis 
Qu’un nom sur un registre
Qu’on efface quand je reprends mon chemin
En quête de l’introuvable vérité de mon être.
Et pourtant, je serre contre ma poitrine
Flasque l’idéal d’un monde où la fraternité 

et l’amour seraient les porte-drapeaux.

Et toi, mon frère, dans tes lointains déserts
D’Eurasia ................................................. ?
Ah, tu dois être grand et fort comme un titan !
Sur tes épaules, le rocher de Sisyphe
Est une poignée de sable dans la main d’un enfant ;
Ton esprit, grâce aux miracles de la génétique,
Saisit les choses au-delà des choses,
Et les étoiles sont plus transparentes à ton regard
Qu’une goutte de pluie
Chevauchant l’espace sur un rayon de soleil.

Mais es-tu encore humain ? T’arrive-t-il d’être
En proie au doute et à l’angoisse,
Endurant la difficulté de vivre et la peur mourir ?
Devant l’immuable beauté de l’univers,
T’interroges-tu comme je l’ai fait toute ma vie ?

Quand tu liras ce poème, mon frère,
L’ère chrétienne où je t’écris sera morte et enterrée
Dans le tombeau de nos obscures origines 
Qu’on ne sait pas élucider.
Ces vers seront la seule trace de mon être rejeté
À jamais dans la masse informe, inanimée,
Et ma langue bien-aimée,
Une momie par quelques esprits nostalgiques flairée.
La Seine aura peut-être été engloutie sous les sables
Du désert, et Paris, tel un joyau splendide,
Te fascinera comme la plus belle et glorieuse
De toutes les cités mythologiques........
....................................................................................
Non, tu n’as pas retrouvé l’âge d’or,
Cet espace béni où l’homme se consacrait à autrui
Sachant qu’en retour tout un monde serait avec lui.
Je veux seulement croire 
Que tu es sorti pour de bon de la barbarie.

J. L. Miranda



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