Ce
poème, je l’ai composé pour toi, mon frère,
Toi
qui vis dans un âge différent du mien
Un âge
si distant, si improbable !
Peut-être
dans une ville aquatique bâtie
Au fond des mers
Ou
bien dans un village aérien,
Plus près des étoiles.
Cinq
cents siècles nous séparent,
C’est
un bond étourdissant au-dessus du néant
Qui
bientôt m’engloutira,
Un
bond qui donne le vertige
à l’imagination.......................
................................................................................................
Je te
l’envoie par le messager du futur,
KÉO
Qui
s’envolera en 2001 pour un voyage
Que
nul ne sait où il aboutira
Si
jamais il aboutit
Mais
sa mission est la plus émouvante
Qu’on
n’ait jamais conçu : il s’agit de parler
A des
hommes au-delà des temps,
Pourvu
que la terre vive assez longtemps.
Pendant
des milliers de générations
Il
tournera, tournera, le mythique oiseau,
Et un
jour (que tu marqueras en chiffres d’or
Sur
ton calendrier ?) il viendra se poser
Près
de toi dans un nuage pourpre,
Plus
beau qu’un dieu aux pieds ailés,
Plein
de nouvelles d’un monde perdu, le mien.
Alors,
mon poème aura à tes yeux
Le charme désuet que je
trouve
Dans le parchemin qui chante
La
beauté de Cléopâtre
Et des jardins de Babylone.
Je ne
suis rien, mon frère, rien qu’un amas
De
molécules animé d’une étrange lumière !
Toutes
les places étaient prises quand
Je
suis arrivé dans le théâtre de la vie.
Je
suis resté près de la sortie,
Nez à
nez avec mon destin de marginal,
Délaissé
comme une chaise bancale
Qu’on
repousse d’un coup de pied.
Partout
où je passe je ne suis
Qu’un nom sur un registre
Qu’on
efface quand je reprends mon chemin
En
quête de l’introuvable vérité de mon être.
Et
pourtant, je serre contre ma poitrine
Flasque
l’idéal d’un monde où la
fraternité
et l’amour seraient les porte-drapeaux.
Et
toi, mon frère, dans tes lointains déserts
D’Eurasia ................................................. ?
Ah, tu dois être grand et
fort comme un titan !
Sur tes épaules, le
rocher de Sisyphe
Est une poignée de sable
dans la main d’un enfant ;
Ton esprit, grâce aux
miracles de la génétique,
Saisit les choses au-delà
des choses,
Et les étoiles sont plus
transparentes à ton regard
Qu’une goutte de pluie
Chevauchant l’espace sur
un rayon de soleil.
Mais es-tu encore
humain ? T’arrive-t-il d’être
En proie au doute et à
l’angoisse,
Endurant la difficulté de
vivre et la peur mourir ?
Devant l’immuable beauté
de l’univers,
T’interroges-tu comme je
l’ai fait toute ma vie ?
Quand tu liras ce poème,
mon frère,
L’ère chrétienne où je
t’écris sera morte et enterrée
Dans le tombeau de nos
obscures origines
Qu’on ne sait pas
élucider.
Ces vers seront la seule
trace de mon être rejeté
À jamais dans la masse
informe, inanimée,
Et ma langue bien-aimée,
Une momie par quelques
esprits nostalgiques flairée.
La Seine aura peut-être
été engloutie sous les sables
Du désert, et Paris, tel
un joyau splendide,
Te fascinera comme la
plus belle et glorieuse
De toutes les cités
mythologiques........
....................................................................................
Non, tu n’as pas retrouvé
l’âge d’or,
Cet espace béni où
l’homme se consacrait à autrui
Sachant qu’en retour tout
un monde serait avec lui.
Je
veux seulement croire
Que tu es sorti pour de bon de la barbarie.
J. L. Miranda
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