dimanche 1 mars 2020

La vengeance de Virginie

       Aurélia. – Vous souvenez-vous des flashs de cette nuit ?
M. Vincent. – Parfaitement. J’avais un vin exquis dans un verre de cristal, et le seul fait de l’avoir à la portée des lèvres m’exaltait. J’ai soulevé le verre à la hauteur de mes yeux, la lumière jouait avec aisance sur la robe transparente de ce nectar que je brûlais de déguster ; et pourtant, j’hésitais comme si le fait de le contempler me suffisait et que je regrettais par avance ce bonheur des yeux dont je ne pourrais plus jouir lorsque j’aurais vidé le verre. Puis, j’ai humé le vin dont le bouquet réunissait des parfums capiteux qui rajeunissent le cœur et revigorent les sens. Enfin, lorsque j’ai posé les lèvres sur le bord du verre — avec la délicatesse que j’aurais mise à effleurer le Saint Graal — le vin s’est transformé tout à coup en eau trouble.
Aurélia. – Oh, c’est affreux ! J’imagine votre déception. Quelle est votre interprétation de cette expérience onirique ?
M. Vincent. – Je ne suis pas spécialiste. « Le rêve est la réalisation d’un désir » suivant Freud. Je pense que la vie va rouvrir devant moi sa boîte à surprises. En attendant, j’ignore la couleur dont la nouvelle à venir sera parée.
Aurélia. – Virginie est passée tout à l’heure, elle m’a semblé en pleine forme.
M. Vincent. – Voilà une visite qui me surprend. Je l’ai appelée hier soir ; elle ne m’en a pas parlé.
Aurélia. – Elle repassera après ses cours.
M. Vincent. – Elle doit avoir des problèmes de trésorerie, ça lui arrive fréquemment.
Aurélia. – Et si votre fille venait vous annoncer la nouvelle que vous escomptez d’après vos rêves ?
M. Vincent. – Si elle avait des nouvelles, Virginie me l’aurait dit hier au téléphone.
Aurélia. – Entre le soir et le matin, il s’écoule toute une nuit. Dans ce laps de temps, il se passe une infinité de choses dont l’écho n’arrive pas à vos oreilles, sauf quand ça vous concerne personnellement.
M. Vincent. – Je vous trouve bien énigmatique ce matin. Vous en savez plus long que vous ne m'en dites. Allons, veuillez accoucher s’il vous plaît.

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